Règle treizième.
Quand nous comprenons parfaitement une question, il faut la dégager de toute conception superflue, la réduire au plus simple, la subdiviser le plus possible au moyen de l’énumération.
D’abord, dans toute question il est nécessaire qu’il y ait quelque chose d’inconnu, sans quoi il n’y auroit pas de question. Secondement, ce quelque chose doit être désigné d’une manière quelconque, autrement il n’y auroit pas de raison pour chercher telle chose plutôt que telle autre. Troisièmement, il ne peut être désigné que par quelque chose qui soit connu. Tout cela se trouve dans les questions même imparfaites (…)
Nous avons déjà dit que la fausseté ne peut pas se trouver dans la seule intuition des choses, soit simples, soit composées : en ce sens, il n’y a pas question sur ces choses ; mais elles sont matière à question sitôt que nous voulons porter sur elles un jugement déterminé (…)
Mais parceque, quand on nous propose une question à résoudre, nous ne remarquons pas tout d’un coup de quelle espèce elle est, ni s’il s’agit de chercher ou la chose par les mots, ou la cause par l’effet, il me semble superflu d’entrer ici dans plus de détails ; il sera plus court et plus facile d’examiner par ordre ce qu’il faut faire pour arriver en général à la solution de toute difficulté ; et, en conséquence, une question étant donnée, le premier point est de s’efforcer de comprendre distinctement ce qu’on cherche.
En effet la plupart des hommes se hâtent tellement dans leurs recherches qu’ils apportent à la solution de la question tout le vague d’un esprit qui n’a pas remarqué à quels signes reconnaître la chose cherchée, si elle vient à se présenter ; aussi insensés qu’un valet envoyé quelque part par son maître, et si empressé d’obéir, qu’il se mettroit à courir sans avoir encore reçu ses ordres, et sans savoir où il doit aller.