Philosophe allemand du 18ème siècle, Emmanuel Kant est l’une des figures fondatrices de la pensée occidentale. Dans sa Critique de la raison pure, il propose une analyse de la faculté de raisonner et des fondements de la connaissance. L’extrait sélectionné aborde plus particulièrement ses définitions de la croyance, de l’opinion ou encore de la foi.
Après une première lecture attentive, prenez le temps de lire les questions proposées plus bas, puis de lire à nouveau le texte pour formuler vos éléments de réponse.
Emmanuel Kant (1781) Critique de la raison pure
“De l’opinion, du savoir et de la foi”
La croyance, qui consiste à tenir quelque chose pour vrai, est un fait qui, dans notre entendement, peut reposer sur des principes objectifs, mais requiert aussi des causes subjectives dans l’esprit de celui qui, alors, effectue le jugement (…) La vérité repose sur l’accord avec l’objet, vis-à-vis duquel par conséquence les jugements de tout entendement doivent être d’accord. La pierre de touche de la croyance (…) est donc, de façon extérieure, la possibilité de la communiquer, et de trouver que la croyance possède une validité pour la raison de chaque être humain (…) prouvant ainsi la vérité du jugement.
La croyance, ou la valeur subjective du jugement, par rapport à la conviction (qui a en même temps une valeur objective), présente les trois degrés suivants : l’opinion, la foi et le savoir. L’opinion est une croyance qui a conscience d’être insuffisante aussi bien subjectivement qu’objectivement. Si la croyance n’est que subjectivement suffisante et si elle est en même temps tenue pour objectivement insuffisante, elle s’appelle foi. Enfin, la croyance suffisante aussi bien subjectivement qu’objectivement, s’appelle savoir. La suffisance subjective s’appelle conviction (pour moi-même) et la suffisance objective, certitude (pour tout le monde). Je ne m’arrêterai pas à éclaircir des concepts si clairs (…)
Dans l’usage transcendantal de la raison, l’opinion est, à la vérité, trop peu élevée, mais le savoir, en revanche, l’est beaucoup trop. Sous le rapport purement spéculatif nous ne pouvons donc nullement juger ici, puisque les principes subjectifs de la croyance, comme ceux qui peuvent aussi produire la foi, ne méritent aucun crédit dans les questions spéculatives, attendu qu’ils se tiennent pour exempts de tout secours empirique et qu’ils ne sauraient se communiquer aux autres au même degré (…)
Il faut que le médecin fasse quelque chose pour un malade qui est en danger; mais il ne connaît pas la maladie. Il examine les phénomènes et il juge, ne sachant rien de mieux, qu’il a affaire à la phtisie. Sa foi, même suivant son propre jugement, est simplement contingente, un autre pourrait peut-être trouver mieux. Une foi contingente de ce genre, mais une foi qui sert de fondement à l’emploi réel des moyens pour certaines actions, je l’appellerai la foi pragmatique.
Questions :
- Comment Kant définit-il les notions d’opinion, de foi et de savoir ? Comment les positionne-t-il les unes par rapport aux autres ?
- Les chercheurs sont-ils en quête de savoir « dans l’usage transcendantal de la raison », ou bien ‘simplement’ de foi pragmatique ?
Pour aller plus loin : Kant (1781) “De l’opinion, du savoir et de la foi”, dans Critique de la raison pure.