Biologiste et psychologue français, Jean Piaget est connu dans le champ de l’épistémologie pour ce qu’il a appelé l’épistémologie génétique, notamment liée à ses travaux en psychologie du développement. Souvent classé dans les approches constructivistes, ses clarifications dans l’extrait proposé permettent de penser la notion plus largement.
Après une première lecture attentive, prenez le temps de lire les questions proposées plus bas, puis de lire à nouveau le texte pour formuler vos éléments de réponse.
Jean Piaget (1970) Psychologie et épistémologie
“Les méthodes”
Si toute connaissance est toujours en devenir et consiste à passer d’une moindre connaissance à un état plus complet et plus efficace, il est clair qu’il s’agit de connaître ce devenir et de l’analyser le plus exactement possible. Or ce devenir ne se déroule pas au hasard mais constitue un développement, et comme il n’existe, en aucun domaine cognitif, de commencement absolu à un développement, celui-ci est lui-même à examiner dès les stades dits de formation (…)
Le premier but que poursuit l’épistémologie génétique est donc, si l’on peut dire, de prendre la psychologie au sérieux et de fournir des vérifications en toutes les questions de fait que soulève nécessairement chaque épistémologie, mais en remplaçant la psychologie spéculative ou implicite dont on se contente en général, par des analyses contrôlables (donc, sur le mode scientifique de ce que l’on appelle un contrôle) (…)
L’épistémologie est la théorie de la connaissance valable et, même si cette connaissance n’est jamais un état et constitue toujours un processus, ce processus est essentiellement le passage d’une validité moindre à une validité supérieure. Il en résulte que l’épistémologie est nécessairement de nature interdisciplinaire, puisqu’un tel processus soulève à la fois des questions de fait et de validité. S’il ne s’agissait que de validité seule, l’épistémologie se confondrait avec la logique: or son problème n’est pas purement formel, mais revient à déterminer comment la connaissance atteint le réel, donc quelles sont les relations entre le sujet et l’objet (…)
La première règle de l’épistémologie génétique est donc une règle de collaboration : son problème étant d’étudier comment s’accroissent les connaissances, il s’agit alors, en chaque question particulière, de faire coopérer des psychologues étudiant le développement comme tel, des logiciens qui formalisent les étapes ou états d’équilibre momentané de ce développement et des spécialistes de la science se rapportant au domaine considéré; il s’y ajoutera naturellement des mathématiciens assurant la liaison entre la logique et le domaine en question et des cybernéticiens assurant la liaison entre la psychologie et la logique. C’est alors en fonction, mais en fonction seulement, de cette collaboration que les exigences de fait et de validité pourront, les unes comme les autres, être respectées.
Questions :
- Selon Jean Piaget, qu’est-ce que l’épistémologie et quelle est sa mission première ?
- Pourquoi l’épistémologie ne peut-elle se limiter à la question de la validité ? Est-ce en contradiction avec le caractère normatif de l’épistémologie défendu par Russell ?
Pour aller plus loin : Piaget (1970) « L’épistémologie génétique », dans Psychologie et épistémologie.