Dans son ouvrage Apple – Le secret d’une incroyable réussite, paru en 2012, Ken Segall, qui a été le directeur de création publicitaire pour NeXT et Apple – et présenté comme « ancien collaborateur de Steve Jobs », explique dans l’introduction que :
« La Simplicité a bien sûr guidé le développement du Macintosh, en réalisant le plus grand bon qui soit dans l’histoire de l’informatique : une interface graphique commandée par une souris. Et après tout, peu importe qui l’a réellement inventée : ce qui compte, c’est que le Macintosh est le premier ordinateur à avoir popularisé l’interface graphique » (pp. 2-3)
Ce passage peut sembler quelque peu sur la défensive… Pourquoi ainsi affirmer que l’inventeur réel ne serait pas important, alors que rien de le récit ne mentionnait l’origine de l’idée ? Ce type de rhétorique devrait, et doit toujours, déclencher notre curiosité et notre esprit critique.
La même année sortait Inside Apple – Dans les coulisses de l’entreprise la plus secrète du monde d’Adam Lashinsky du magazine Fortune. Il y décrit la naissance du Macintosh très différemment :
« Jobs s’occupa du développement du Macintosh, un ordinateur révolutionnaire à son époque car il intégrait la toute nouvelle technologie que Jobs avait découverte chez Xerox PARC, le laboratoire de recherche de l’entreprise de photocopieur de Palo Alto » (p. 13)
Ici, Jobs ne s’occupe plus que de développement d’une technologie. A qui attribuer le génie stratégique de cette histoire ? Xerox pour le développement d’un prototype et d’une « toute nouvelle technologie » ? Jobs pour avoir su repérer une opportunité stratégique ? Apple pour avoir réalisé « le plus grand bon qui soit dans l’histoire de l’informatique » ? Nous allons collectivement tenter de répondre à ces questions.
Les réponses devront éviter la caricature qui consisterait à attribuer l’intégralité du mérite à une seule personne ou une seule entreprise. En effet, il semble que Xerox y soit pour beaucoup dans l’invention du PC, mais Malcolm Gladwell, dans un article du New Yorker sur le sujet, mentionne des influences précédentes (Douglas Engelbart du Stanford Research Intitute par exemple) et surtout une absence de réel développement produit. Gladwell décrit également comment les équipes d’Apple ont, elles aussi, énormément travaillé et contribué à l’élaboration d’un produit apprécié par ses utilisateurs : « Le PARC voulait construire un ordinateur personnel, Apple voulait construire un ordinateur populaire » (Ibid.)
Nous allons donc collectivement étudier, sous de multiples angles et via de multiples récits, ce moment stratégique critique : le développement d’un prototype chez Xerox, l’inspiration née de la visite de Steve Jobs et ses équipes au PARC, et le développement d’un produit commercial chez Apple. Pour cela, nous aurons comme sources :
- Sur le PARC de Xerox, et le développement du premier prototype de PC
- Bardini (2000) Bootstrapping – Douglas Engelbart, Coevolution, and the Origins of Personal Computing. Stanford University Press.
- Smith & Alexander (1999) Fumbling the Future – How Xerox invented, then ignored, the First Personal Computer. toExcel Editions.
- Sur la rencontre entre les équipes du PARC et celles d’Apple
- Dormehl (2012) The Apple Revolution – Steve Jobs, The Counter Culture and How the Crazy Ones took over the World. Virgin Books.
- Isaacson (2011) Steve Jobs. Le livre de poche.
- Sculey (1988) De Pepsi à Apple – Un génie du marketing raconte son odyssée. Éditions Grasset.
- Wozniak (2013) iWoz. Éditions Globe.
- Sur le développement produit chez Apple
- Levy (1984) Insanely Great – The Life and Times of Macintosh, the Computer That Changed Everything. Viking Books.
- Raskin (1995) The Mac and Me – 15 Years of Life with the Macintosh. The Analytical Engine, vol. 2.4.
Toutes les références sont disponibles ici.